Le 3 septembre 1787, Philippe Henri Gerard, conseiller du Roy son avocat et procureur, et juge tutélaire du baillage à Bitche, s’est rendu au domicile de feu mon ancêtre Pierre Lett, laboureur, décédé à Bining quelques mois plus tôt. Il a fait comparaître la famille proche, qui après délibération a confié la tutelle des 2 enfants mineurs à leur même Catherine Higuel, et leur curatelle à leur oncle paternel Bernard Lett.

Il a ensuite procédé à l’inventaire des meubles, effets et immeubles du foyer.

J’adore trouver ce type de document car c’est un véritable trésor qui va au-delà de la simple liste d’objets (meubles, dettes, vêtements) : il offre un aperçu intime et matériel du quotidien de mes ancêtres et révèle la réalité sociale et économique de leur époque.

Ce document de 27 feuillets est conservé aux Archives Départementales de la Moselle sous la cote B 5931 et j’en ai fait une copie pour en restituer le contenu en testant l’intelligence artificielle.

Transcription de l’inventaire après décès (avec Gemini 3.0)

Au premier essai je demande une transcription mot à mot du document PDF. Le résultat est catastrophique, il n’y a rien d’intelligible !

Après plusieurs tentatives où je lui explique davantage le contexte et ce que j’attends de lui, Gemini parvient à ma grande surprise à structurer un inventaire plutôt réussi des objets et de leur valeur estimée, pièce par pièce.

Illustration de l’inventaire après décès, pièce par pièce

A partir de cette première transcription, et après avoir relu et corrigé moi-même à la main les erreurs et hallucinations de la machine, j’ai eu envie de visualiser à quoi pouvait ressembler l’intérieur de la maison de mon ancêtre, en continuant à tester Gemini. Voici les résultats.

Dans le poel (la pièce principale chauffée)

• un bois de lit de chêne, une paillasse, un plumont, un traversin, un oreiller avec leurs tayes, un drap de lit toile de chanvre et d’étouppe, et les rideaux de toile peinte, le tout estimé à 40 livres
• une armoire de chêne estimée à dix livres, dans laquelle s’est trouvé ce qui suit :
  • neuf tayes de lit toile de chanvre et d’etouppe, et neuf tayes de traversins et même toile, à trente six livres
  • neuf nappes dont quatre de toile de chanvre et cinq toile d’etouppe, à quinze livres et dix sols
  • huit draps de lit toile d’etouppe à quarante sols l’un, fait seize livres
  • huit essuymain d’etouppe à quarante huit sols
• une vieille pendule de fer à quatre livres
• une grande table de chêne, deux bancs, deux chaises le tout estimé à six livres
• une lampe et une lanterne de fer blanc, et une cruche de grès, le tout estimé à quarante huit sols

Dans une chambre à côté du poel

• un bois de lit de chêne, une paillasse, un plumont, un traversin, avec leurs tayes toile de chanvre et d’etouppe, un drap de lit toile d’etouppe, le tout estimée à vingt livres
• une pièce de toile d’étouppe contenant quarante aunes à neuf sols l’un, fait dix huit livres
• une pièce de toile de chanvre de la consistance de quarante aunes, à seize sols l’une, fait trente deux livres

Sur le palier

• un vieux bois de lit, une paillasse, un plumont, un traversin avec leurs tayes, un drap de lit toile d’étouppe, le tout estimés douze livres dix sols
• un vieux coffre de chêne à quatre livres
• une grande armoire de fer blanc à ving quatre sols
• trois boyaux, une pelle à fumier, à quatre livres

Dans la cuisine

• un grand chaudron de fer à six livres
• un autre petit chaudron de fer de foude, à cinquante sols
• un grand et un petit pot de fer de foude à cinq livres
• un petit poêlon de fer de foude à vingt sols
• une grande pelle à frire, à trente sols
• trois baquets à eaux à trente sols
• une cuillère à pot, un ecumoire à seiez sols
• un plat, une écuelle d’étain et six assiettes aussi d’étain, le tout estimé à dix livres
• une hache, une hachette, une fourche et un crochet à fermier, le tout à quarante sols
• deux cuillères, deux plats et quatre pots, le tout de terre, à dix sols
• une douzaine de cuillères d’étain et douze fourchettes de table à trente six sols

Dans une chambre haute

• un vieux coffre de chêne à quatre livres, dans lequel s’est trouvé ce qui suit
• un autre vieux coffre de chêne à trois livres
• dix livres de lard à seize sols l’un fait 8 livres
• un maldre de blé de froment estimé trente deux livres

Dans la grange

• un las de foin contenant trois milliers, à ving quatre livres l’un, fait soixante douze livres
• trois cribles, deux fléaux, une fourche à foin, et une vanne, le tout à quatre livres dix sols
• un las de gerbes de blé de froment contenant environ cinq cent, qui peuvent produire quatorze maldres à trente deux livres l’un, fait quatre cent quarante huit livres.

Dans les écuries

• un cheval soie de poils blancs, à soixante quatre livres
• un autre soie poil noire, à quarante huit livres
• un autre vieux cheval soie de poil blanc à trente deux livres
• un vieux cheval aveugle soie de poil noire à huit livres
• un autre vieux cheval soie de poil gris à seize livres
• les harnais desdits chevaux consistant en deux colliers, trois brides, trois bridons, le tout estimé à douze livres
• une vache soie de poil roux estimée à quatre vingt livres
• une génisse soie de même poil de l’âge de deux ans à quarante huit livres

Devant la maison

• un chariot avec ses échelles de madriers et dépendances estimés quarante huit livres
• une vieille charrue, deux herses à dent de fer, et deux grandes chaînes pour voitures, le tout à trente deux livres

Résultats et limites actuelles de l’IA pour cet exercice

lors de la transcription

✅ une transcription plutôt réussie des pièces et de leur contenu
❌ incapable de transcrire mot à mot le document dès qu’il contient des noms, des lieux, … alors il retire des paragraphes entiers du document
❌ incapable de déchiffrer quoi que ce soit à partir d’un autre document d’inventaire du même type, écrit en ancien Allemand

👉 rien ne vaut encore un déchiffrage humain pour un tel document, mais l’IA peut aider à poser les éléments de base quand le texte n’est pas trop complexe à déchiffrer (j’ai volontairement choisi un texte manuscrit lisible…)

lors de la génération d’images

✅ les images contiennent la majorité des objets listés dans chaque pièce
✅ il arrive à garder le même style pour l’ensemble des images générées
❌ je trouve les rendus « trop propres », je lui ai demandé des visuels plus rustiques, des pièces plus sales et moins riches, il n’y arrive pas !
❌ l’outil a plus de mal à illustrer le vivant : j’ai dû insister avec plusieurs prompts pour afficher le bon nombre d’animaux, leur couleur, etc.
❌ sur quoi se base-t-il pour rendre compte de la réalité de la campagne Lorraine du XVIIIème siècle ? quel crédit historique peut-on réellement accorder à ces illustrations ?

👉 à partir d’un bon texte, les images sont vraiment spectaculaires et on peut assez facilement passer d’un style visuel à un autre ; par contre ça se complique dès qu’on demande des modifications précises dans l’image ou qu’on lui suggère de s’inspirer de sources historiques, là il tourne vite en rond…

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