article rédigé dans le cadre du ChallengeAZ 2020
NB : cet article a été écrit en collaboration avec le Museumsverein Klostertal, en préparation de leur prochaine exposition sur l’histoire de l’émigration de cette région particulière de l’Autriche. Il sera également traduit en Allemand dans une future publication du musée.
Le contexte historique
A la fin du XVIIeme siècle, la Lorraine est dévastée. Des dizaines d’années de guerres sanglantes et les épidémies qui les ont accompagnées ont totalement ravagé la région. Certains comtés, comme celui de Bitche, ont subi de tels massacres que de nombreux villages ont été dépeuplés pour de longues années, voire totalement rayés de la carte.
Pour en savoir plus sur la Guerre de Trente Ans, une des grandes oubliées de l’histoire lorraine :
“Pendant près de trente ans, des armées venues de toute l’Europe ravagèrent les campagnes, torturèrent les populations, se livrèrent de furieux assauts, pillèrent les villes… C’est ce monde de douleur que Philippe Martin nous invite à parcourir en retraçant les principales batailles, en suivant les princes mais également les humbles.”
Pour relancer l’économie et la démographie, Louis XIV met en place des mesures pour attirer des français d’autres régions comme la Picardie et la Bourgogne. Mais dès le traité de Ryswick de 1697 qui oblige la France à rétrocéder la Lorraine à Léopold Ier, ce sont désormais en majorité des Tyroliens, des Suisses et des Wurtembergeois, qui émigrent pour contribuer à la reconstruction des villages de la “Lorraine allemande”.
Deux ouvrages sont incontournables pour comprendre les migrations issues du Tyrol vers le baillage d’Allemagne :
Les SCHALLER candidats à l’émigration
Je me suis intéressé à l’histoire de la famille SCHALLER en remontant l’arbre généalogique de ma grand-mère SCHALLER Cécile (1922-2015).
Plusieurs jeunes hommes de la famille SCHALLER, tailleurs de pierre originaires du Tyrol, ont décidé vers 1700 de quitter ensemble leur village de Dalaas dans la vallée du Klorestal, pour s’installer à Bettviller dans le comté de Bitche.
On trouve notamment trace à cette époque dans les registres de la paroisse de deux frères, SCHALLER Christian et Adam, et de leur cousin SCHALLER Adam.
Christian épouse vers 1700 ZINS Jeannette, une jeune femme du village voisin. La date est incertaine car les registres ne démarrent qu’en 1704 à Bettviller. Mais c’est justement le 28 septembre 1704 qu’on trouve la première trace de SCHALLER Jean Christian lors du baptême de leur fils Jacques à Bettviller.
Le 12 juillet 1707, son frère SCHALLER Adam épouse WEISS Eve à Bettviller. Christian signe en tant que témoin. Les parents du marié sont indiqués : SCHALLER Jacob et SUCK Christina, mais sans précision sur leur origine.
Quelques mois plus tard, c’est au tour de leur cousin SCHALLER Adam de se marier le 15 novembre 1707 à Bettviller, avec ZINS Barbe. Une indication intéressant figure sur cet acte : le marié est dit fils de SCHALLER Vitalis et DENTZ Maria, “ex Dollos”. Son cousin et homonyme SCHALLER Adam signe l’acte en tant que témoin, ainsi qu’un certain PURTSCHER Pierre, dont le nom de famille est également originaire du Tyrol.
L’origine confirmée des SCHALLER à Dalaas
Plusieurs indices orientent donc les recherches vers la région de Dalaas au Tyrol. La chance fait que les registres du village de Dalaas ont commencé très tôt, aux alentours de 1618, et qu’on y trouve de nombreux mariages et naissances au nom de SCHALLER, qui permettent de retrouver les ancêtres des trois SCHALLER migrants.
Le 20 octobre 1670 a lieu le mariage de SCHALLER Jacob et SUCK Christina.
SCHALLER Jacob est né 29 ans plus tôt le 18 juillet 1641 à Dalaas, fils de SCHALLER Adam et WUNSTNER Barbe.
SCHALLER Adam et WUNSTNER Barbe auront un autre fils le 4 novembre 1645 à Dalaas : SCHALLER VItalis, qui épousera DÖNTZ Maria vers 1678.
Adam et Barbe sont donc les grands-parents des trois SCHALLER qui ont émigré dans le comté de Bitche.
Autres traces de SCHALLER venant du Tyrol
Quelques autres actes nous renseignent sur la migration de jeunes hommes SCHALLER vers le comté de Bitche, sans que j’aie pu pour l’instant les relier à cette famille.
Le 29 juillet 1708 à Petit-Réderching, SCHALLER Bartholomeus, fils de SCHALLER Laurent et RÖDER Gertrude, originaire de “Bootz” au Tyrol, épouse ANDRES Elisabeth.
Un autre SCHALLER Christian, âgé de 50 ans environ à son décès le 3 avril 1712 à Bettviller, est également dit “tyrolensis”, originaire du Tyrol. Peut-être un cousin des premiers SCHALLER qui ont migré, mais sans certitude pour l’instant.
Et chose très surprenante, son décès qui a eu lieu à”Bettweyler” à plus de 400 km est également noté dans le registre de Dalaas à cette date !
Les lignées SCHALLER de tailleurs de pierre
A Dalaas les métiers des ancêtres SCHALLER ne sont pas indiqués dans les actes. Mais dès leur arrivée dans le comté de Bitche, les SCHALLER exercent les métiers de tailleurs de pierre ou maçons, puis transmettent leur savoir-faire à leurs descendants. J’ai ainsi dressé un arbre descendant reprenant uniquement les tailleurs de pierre de père en fils : ils sont plus d’une vingtaine sur 10 générations !
Le dernier en activité dirigeait l’entreprise SCHALLER Joseph à Rohrbach-les-Bitche spécialisée dans la taille, le façonnage et le finissage de pierres. Sur un encart publicitaires des années 1980, on note également qu’ils fabriquaient des monuments funéraires.
Mais la trace la plus remarquable de cette famille de tailleurs de pierre est sans conteste la croix de chemin à Bettviller, dite Schallerskreutz ! Elle est proche de la carrière « Steinkuhl » qui a fourni jusque vers 1930 le grès de nombreuses croix des villages environnants.
La croix est dédiée à Notre-Dame des Sept-Douleurs, en allemand Unserer lieben Frau von den sieben Schmerzen. Les sept douleurs font référence aux événements, relatés dans les évangiles, qui firent souffrir la mère de Jésus alors qu’elle accompagnait son fils dans sa mission de Rédempteur. Ce thème iconographique apparaît d’ailleurs sur d’autres croix de chemin dans le Bitscherland.
Elle est encore bien conservée, datée de 1770 et le sculpteur y a également gravé son nom: SCHALLER Jacob. Je ne l’ai pas encore identifé avec certitude dans l’arbre des descendants SCHALLER, mais ce pourrait être l’oeuvre de Jacob âgé en 1770 de 18 ans, fils de SCHALLER Mathias tailleur de pierre, et petit-fils de … SCHALLER Adam et WEISS Eve !
Les nombreuses branches issues des SCHALLER de Dalaas
Les frères SCHALLER Christian et SCHALLER Adam ont eu respectivement 8 et 3 enfants, et leur cousin SCHALLER Adam 7 enfants.
Ces trois migrants de Dalaas sont à l’origine de nombreuses branches SCHALLER en France.
Voici une visualisation des différentes branches identifiées, regroupant plus de 700 personnes à ce jour, conjoints non compris (voir ici liste détaillée et complète des descendants SCHALLER).
La plupart de ces branches ont peu bougé du Pays de Bitche où elles se sont installées. Mais on a pu retrouver la trace de familles SCHALLER qui ont la région au 19ème siècle pour tenter leur chance dans des provinces plus « attirantes » à cette époque.
C’est le cas par exemple de plusieurs frères et sœurs SCHALLER originaires de Rimling qui, après la mort de leur père SCHALLER Jean en 1837, sont partis avec leur mère travailler en Normandie dans l’industrie textile lors de la révolution industrielle. SCHALLER Nicolas, originaire de Rimling, marié en 1855 à Rouen montera ainsi les échelons et deviendra directeur de tissage vers la fin du 19ème siècle. Aujourd’hui encore on trouve toujours des descendants SCHALLER dans cette région.
Un second exemple, SCHALLER Frédéric et STAUB Catherine originaires de Bining, qui sont partis vers 1850 avec leurs 6 enfants tenter l’aventure près de Ténès en Algérie dans des colonies nouvellement créées. Leurs enfants s’y sont mariés, ont pris la suite de leurs parents dans les concessions agricoles, et on trouve trace de SCHALLER dans les registres algériens pendant toute la colonisation française.
Les plus récentes branches SCHALLER en Lorraine
La majorité des familles SCHALLER issues du Dalaas sont finalement toujours localisées en Lorraine. Ainsi, SCHALLER Jean et BECK Catherine, mes arrière-grand-parents, se sont mariés en 1921 à Etting, dans le Pays de Bitche. SCHALLER Jean exerça plusieurs métiers, dont celui d’ouvrier de carrière où il extrayait des matériaux de construction pour la faïencerie de Sarreguemines.
Les voici en 1924 avec ma grand-mère SCHALLER Cécile et leur premier fils SCHALLER Adolphe nés à Wittring.
Sur la base de mes recherches généalogiques, une soeur de ma grand-mère, SCHALLER Marie-Antoinette, descendant du couple SCHALLER Adam et WUNSTNER Barbe à la 9ème génération, fera en 1984 le voyage à Dalaas sur les traces de ses ancêtres.
En 1991, une première fête de famille organisée par ma grand-mère et ses soeurs, a réuni plus de 100 descendants de SCHALLER Jean et BECK Catherine près de Sarreguemines !
En 2009, un de mes lointains cousins a donné un 3ème prénom en hommage à ses ancêtres venus du Tyrol à son fils SCHALLER Clément Joël Vitalis. Et plus récemment, il a fait un détour avec ses deux fils lors de vacances pour leur faire visiter le village de leurs ancêtres.
[…] A : Mon arrière-grand-père AST Antoine dans l’armée impériale Allemande lors de la 1ère guerre mondiale B : Histoires et photographies de la famille BECK de Etting au fil des siècles C : Estimer le degré de parenté grâce à l’ADN partagé exprimé en centimorgan D: Le bon roi Dagobert, mon ancêtre à la 42ème génération E: A l’Ecole Nationale des Chartes, aperçu de la formation « Généalogie approfondissement« F : FamilyTreeDNA affine les origines ethniques issues de son test ADN G : A la recherche du couple GRAFF – SCHADENFROH : mes ancêtres bavarois introuvables H : Les haplogroupes sont désormais disponibles sur Geneanet ADN I : La formation de généalogie successorale de l’IFFG J : Jubilé de diamant de la reine Victoria en 1897 : la magnifique photo de la famille RUSSELL K : KELLER, NAFZIGER, GUNGRICH : les origines de mes ancêtres anabaptistes, mennonites et amish L : Avec la famille LILJEGREN, mes premières recherches généalogiques en Suède M : Matricula offre la consultation gratuite de divers registres autrichiens, luxembourgeois, allemands, slovènes… N : New York 1846 : la famille WOLF de Achen débarque en Amérique O : L’Odyssée des gènes, une aventure passionnante P : La biographie de PERCIVAL David Eyre, grand-père de ma femme Q : Question récurrente : jusqu’où es-tu remonté dans ton arbre généalogique ? R : The RUSSELL family gathering for Queen Victoria diamond jubilee in 1897 S : Sur les traces de la famille SCHALLER, tailleurs de pierre originaires du Vorarlberg Autrichien […]
Comme d’habitude excellent article sur les origines de notre mère j’en avais entendu parler vaguement merci pour les détails précieux de ton commentaire
[…] En 1707, il est témoin au mariage de SCHALLER Adam et WEISS Eve. Dans cet acte on peut lire les noms des parents du marié : SCHALLER Jacob et SUCK Christina, dont j’avais déjà retrouvé la trace dans le registre Autrichien de Dalaas, village d’origine des SCHALLER qui sont venus repeupler le Pays de Bitche après la Guerre de …. […]
[…] croix de mes ancêtres FUNDT – SCHAEFFER à Rimling Sur les traces de la famille SCHALLER, tailleurs de pierre originaires du Vorarlberg Autrichien 2 septembre 202023 novembre 2020 Greghistoire familialecroix, Hottviller, Moselle, moulin, […]
Bonjour, dommage que mon mail soit resté sans réponse de votre part, du coup vos recherches resteront incomplètes sur la famille Schaller, merci quand même pour votre travail et pour les photos
cordialement
Bonjour.
Je n’ai pas souvenir de mail reçu dernièrement sur cette famille, désolé.
Si vous êtes une descendant SCHALLER avec plaisir pour en discuter bien sûr, car depuis la publication de cet article j’ai continué à compléter certaines branches en prévision de l’exposition en Autriche.
[…] Histoires et photographies de la famille BECK de Etting au fil des siècles Sur les traces de la famille SCHALLER, tailleurs de pierre originaires du Vorarlberg Autrichien […]
[…] Histoires et photographies de la famille BECK de Etting au fil des siècles Sur les traces de la famille SCHALLER, tailleurs de pierre originaires du Vorarlberg Autrichien […]
Bonjour Greg,
Je viens de tomber sur votre site, par hasard.
Je crois bien que nous sommes de la même famille. Je descends de Frédéric Schaller et Catherine Staub, partis en Algérie.
Quel plaisir de pouvoir lire l’histoire de notre famille !
Si vous voulez compléter votre généalogie, je suis à votre disposition.
Bonjour Hélène.
Merci pour votre message. Ah oui avec plaisir pour compléter la descendance des SCHALLER partis en Algérie, c’était une branche compliquée à suivre 😉
A bientôt par e-mail
Greg
Je recherche sur le non schwaller
Bonjour.
Les noms varient parfois d’une génération à l’autre, mais d’après mon expérience il s’agit vraiment de 2 patronymes différents.
Je n’ai pas constaté de SCHWALLER transformé en SCHALLER par exemple.
Bonjour,
je découvre votre site avec intérêt, je suis tombée dessus suite à un test ADN…Mon ARAR grand père Schaller, a quitté Dalaas en 1845, pour se fixer à Beaucourt, territoire de Belfort. deux mariages et deux fils. Une histoire dont on ne parlait pas dans la famille mais qui m’intéresse beaucoup.
Votre travail me renseigne sur ses migrations du centre de l’Europe. j’envisageais un voyage vers mes origines, je vois que je ne suis pas la première en direction de Dalaas…
Bonjour,
Voilà longtemps que je vous ai repéré, mes recherches généalogiques ayant débuté en 1979. J’ai acheté trois exemplaires de la BD pour ma fratrie ! À l’occasion d’une nouvelle visite sur votre site, je me signale.
Je descends de Mathias (sosa 392), fils d’Adam Schaller x Eve Weiss (et ensuite par des femmes…) ; je reste à votre écoute si vous souhaitez un complément d’information.
Un point amusant, sur cette lignée, nous sommes passés de « tailleurs de pierre », à « tailleurs sur cristaux » à la cristallerie de Baccarat, la profession de mon arrière-grand-père
Bien à vous
Valérie
Bonjour Valérie et merci pour votre message !
Des verriers et des tailleurs sur cristaux j’en ai aussi, mais dans la région de Meisenthal, Goetzenbruck, … Ce sont aussi des familles compliquées à suivre car elles se sont souvent beaucoup déplacées.
A bientôt