Née à Mulhouse en 1947, Chantal Bruckert a longtemps souffert de ne pas connaître l’identité de son père. Après plusieurs semaines d’analyse de ses résultats ADN, de construction d’arbres généalogiques et de contacts avec des cousins génétiques, j’ai pu établir qu’il s’agissait d’un soldat américain et en avoir confirmation grâce à un test de sa demi-soeur.
Elle raconte aujourd’hui son histoire au journal l’Alsace (article de Philippe Wendling, photo de Darek Szuster), heureuse de découvrir des photos de son père et ravie que la communication avec sa demi-soeur soit si chaleureuse, dans l’attente d’un prochain voyage qui les réunira en Floride !
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« Enfant, je n’étais pas considérée comme les autres, se souvient cette Mulhousienne, née en mars 1947. J’ai ressenti le regard de maîtres d’école. On m’a recalé à l’arrière de la classe alors que j’étais myope. Je me suis petit à petit effacée au point de devenir une gamine anxieuse et timide. Maman était célibataire et notre famille restreinte. Je n’ai ni oncle, ni tante et n’ai découvert l’existence de ma grand-mère maternelle que vers 13 ans. J’ai un frère, mais pas du même père. On ne sait d’ailleurs pas plus qui était celui-ci. Quand tu étais enfant ou adolescent dans les années 1950-1960, c’était : “Tu parles quand on te le demande”. Je n’ai donc pas posé de questions. Ma mère est décédée en 1982 en emportant avec elle ses secrets. »
À la disparition de sa mère, Chantal Starck a déjà créé la grande famille dont elle a toujours rêvé. Trois fils et trois filles. « Quand ils ont commencé à grandir, je me suis mise à faire de la généalogie, explique-t-elle. J’ai pu retrouver des ancêtres du côté de ma mère. Mais c’était toujours le mystère pour mon père. » Bref silence, puis nouvelle confidence. « Maman avait un ami italien. Longtemps, je me suis mis en tête qu’il pouvait être mon papa. Je me disais italienne alors que rousse, avec des taches de rousseur, on m’appelait l’Irlandaise. » Sa désillusion est énorme lorsqu’elle réalise, « il y a trois-quatre ans », un test ADN acheté par correspondance à un laboratoire israélien. « Au regard des résultats, j’ai des origines irlandaises, anglaises et américaines, mais pas italiennes. Le monsieur auquel je pensais n’était donc pas mon père.
Afin de ne pas en rester là, la Haut-Rhinoise effectue un nouveau test ADN au printemps dernier et l’envoie cette fois à un laboratoire outre-Atlantique. Pour la seconde fois, elle outrepasse donc ses droits. En France, en effet, un test génétique est interdit s’il n’est pas requis par un juge, un médecin ou exécuté dans le cadre de recherches scientifiques. Conformément à l’article 226-28-1 du Code pénal, un particulier se prêtant seul à cet exercice encourt 3 750 € d’amende (alors que les tests sous forme de kits salivaires coûtent 50 à 100 €). « Ça ne m’a pas arrêtée, glisse Chantal. Je n’ai pas eu l’impression de faire quelque chose de mal. J’ai 75 ans. Pour savoir qui est mon père, c’est maintenant ou jamais. »»
En partant de son second test, Greg Wolf a ainsi pu remonter la piste d’une cousine germaine de Chantal Starck vivant aux États-Unis. Il lui a écrit au début de l’été, mais elle n’a pas répondu. Toujours en Amérique, il a aussi identifié trois frères aux profils prometteurs. En consultant des données publiques, à l’instar de sites de journaux, puis des dossiers militaires, il a découvert que l’un d’eux était roux et avait été mobilisé en France au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. « J’ai aussi trouvé qu’il avait un garçon et une fille, note-t-il. J’ai contacté cette dernière, tout en restant prudent. Dans ces dossiers, il faut y aller pas à pas. On risque de tomber sur quelqu’un qui ne veut rien savoir. Je lui ai demandé si un membre de sa famille était venu en France, en Alsace. Dans l’heure, elle m’a répondu : « Oui, mon père ». Je lui ai expliqué les choses. Elle ne savait rien, mais a toujours eu un pressentiment. Pour être sûre de ses liens avec Chantal Starck, elle a accepté de faire un test ADN. »
Le verdict est tombé en août. « Je n’en reviens toujours pas. Mon mari me dit que je suis moins stressée, s’enthousiasme Chantal Starck. J’ai une demi-sœur et un demi-frère en Amérique. Et puis, grâce à l’ADN, je sais enfin, à 75 ans, qui est mon père. J’ai reçu des photos de lui. Je crois me voir. Nous avons les mêmes taches de rousseur et yeux pétillants. Il est malheureusement décédé il y a neuf ans. Il avait 87 ans et s’appelait Eugen Leo Pike. Il était militaire du côté de Mulhouse quand il a rencontré maman en 1946. J’ignore dans quelles conditions. Ils avaient tous les deux 20 ans. Je ne sais pas non plus si leur histoire a duré. Je ne pense pas qu’il a connu mon existence. Il est retourné en 1950 aux États-Unis. Devenu fonctionnaire des impôts, il s’est marié et a eu ses enfants en 1963 et 1966. Il ne leur a jamais rien dit, mais il a manifesté auprès d’eux l’envie de voyager en France. Ce qu’il n’a finalement pas fait. » Chantal Starck a prévu, elle, de se rendre en Floride dès l’an prochain pour rencontrer sa demi-sœur et son demi-frère. « En attendant, nous allons faire une visio le soir de Noël avec leurs enfants et les miens. Ce sera notre première fête de famille tous ensemble. »