Le mystère de la broderie ancienne de Mary Ward STARKEY


recherches généalogiques / mercredi, mars 11th, 2020

Quand Sophie Boudarel du blog La Gazette des Ancêtres a proposé comme généathème du mois de mars d’écrire sur un objet de famille et sa transmission de générations en générations, j’ai immédiatement pensé à cette broderie ancienne que ma belle-mère Fiona LEE conserve sous cadre dans son entrée.

Elle est « signée » de Mary Ward STARKEY, et datée précisément du 6 mars 1838. Quand j’ai démarré la généalogie britannique de ma femme, j’avais l’espoir de remonter jusqu’à cette Mary pour confirmer que cette broderie provenait bien d’une de ses ancêtres directes.

Et en effectuant ces recherches j’ai découvert une tradition familiale bien curieuse que nous avons également décidé de perpétuer…

Mary Ward STARKEY

Mary Ward STARKEY est bien une ancêtre directe de ma femme, côté maternel. Et cette broderie a été transmise à travers 5 générations :

Mary Ward STARKEY > Mary COLDICOTT > Alice RUSSELL > George LEE > Fiona LEE

Mary Ward STARKEY est née le 13 octobre 1827 à West Bromwich, dans le comté des Midlands de l’Ouest, non loin de Birmingham. Son père, Charles STARKEY, était chirurgien, et sa mère s’appelait Sarah WARD. WARD, comme le 2ème prénom de sa fille… mais j’y reviendrai plus tard.

Mary a donc brodé son canevas en 1838 à l’âge de 11 ans.

« Remember thy creator in the days of thy youth » est le début du 12ème (et dernier) chapitre du livre L’Ecclésiaste de la Bible hébraïque, faisant partie des Ketouvim, présent dans tous les canons. Et traduit en anglais dans cette King James version.

La famille STARKEY

Dans le recensement de 1841 (dans lequel bizarrement Mary ne figure pas avec ses parents) on apprend qu’elle avait au moins 3 frères et soeurs : George né en 1836, Luke né en 1837 et Maria née en 1839.

Les STARKEY semblent être une famille aisée. Trente ans plus tard, le recensement de 1871 indique que George est chirurgien retraité, et que le couple habite Upper Wick, dans le « Manor House », avec une domestique et une cuisinière.

Sur British Listed Buildings qui recense des bâtiments qui ont un intérêt historique, on trouve un descriptif de Manor House :

« RUSHWICK CP UPPER WICK
SO 85 SW
3/125 Manor House
29.7.59
– II
House. Early C19 with earlier C18 remains. Brick in Flemish bond with hipped tile roof. Two storeys with attic, five bays. Storey band. Windows are boxed sashes with glazing bars. Two attic dormers. Doorway, in middle bay, has round head with Gothick fanlight, and a Tuscan pilaster doorcase with open pediment. Chimneys at left and in front of ridge to right of third bay.
Variations in brick type suggest that the eaves have been raised and the windows altered, probably in the early C19. Adjoining to the left are three lower bays, with a further two bays to their left. »

Listing NGR: SO8230653050

Cette grande bâtisse existe toujours, et a été magnifiquement restaurée telle qu’elle est décrite dans la présentation d’une agence immobilière locale.

Charles STARKEY décède en 1886, Sarah WARD en 1892. J’ai trouvé via MyHeritage leur « will » ou testament (ou plutôt une sorte d’inventaire après décès). Il est toujours compliqué de convertir les sommes de l’époque, mais comme le recommande Jean-Louis BEAUCARNOT, il vaut mieux comparer avec les autres testaments de cette période pour se faire une idée du niveau social des familles. Et les 16 195£ indiqués à la mort de Charles semblent être une somme très conséquente à l’époque.

Sur les 2 testaments apparait Henry COLDICOTT, solicitor, qui était le mari de Mary Ward STARKEY.

Et coup de chance, j’ai également retrouvé la tombe de Charles et Sarah, grâce aux relevés collaboratifs effectués par des bénévoles dans les cimetières anglais et mis en ligne sur Billion Graves. Leur tombe, plutôt imposante, est dans le cimetière de Saint John à Kates Hill.

La famille COLDICOTT

Revenons-en à Mary Ward STARKEY. Le 6 août 1851 à West Bromwich, à 23 ans, elle épouse Henry COLDICOTT.

Ils auront au moins 6 enfants : Mary en 1852, Henry en 1853, George en 1855, Sarah en 1858, Herbert en 1859 et Arthur en 1864.

Et leur famille semble être également très aisée. Henry est attorney & sollicitor, et fils d’un magistrat clerck.

Dans le recensement de 1861, ils habitent Sawley Hill House à Dudley avec 4 enfants, mais aussi 5 domestiques !

Mary Ward STARKEY décède dès l’âge de 39 ans en 1867 à Dudley.

Dans le recensement de 1871, Henry COLDICOTT habite Tansley Hill House à Dudley, avec ses enfants mineurs Mary, Henry et Arthur, ainsi qu’une gouvernante, une femme de ménage et une cuisinière.

Henry décedera en 1905 à l’âge de 83 ans, en laissant des biens estimés à plus de 17 000£.

La particularité étonnante de cette branche familiale

La broderie de la petite Mary Ward STARKEY à 11 ans m’aura fait découvrir une tradition très particulière de cette famille, que ne j’ai pour l’instant jamais retrouvée ailleurs : les enfants reçoivent souvent en 2ème prénom le nom de famille de leur mère ou de leur grand-mère !

Je l’ai remarquée la première fois en m’intéressant à Mary Ward STARKEY, dont la mère était Sarah WARD.

Le couple COLDICOTT-STARKEY transmettra cette tradition à 2 de leurs fils (des collatéraux) : Henry Starkey COLDICOTT d’après le nom de sa mère, et George Rowland COLDICOTT d’après le nom de sa grand-mère paternelle.

Mais j’ai surtout pu constater cela sur de multiples branches du côté de ma belle-mère :

Le nom RUSSELL a d’ailleurs été transmis comme 2ème prénom à 6 des descendants récents d’Alice Mary RUSSELL, arrière-grand-mère de ma femme :

Et maintenant ?

Que fait un généalogiste quand il découvre une telle particularité ? Forcément il la transmet à ses enfants, et se met aussi à transformer des noms de famille en prénom ! D’où les deuxièmes et troisièmes prénoms de nos filles :

Emma Dargie Percival WOLF, née en 2009 :
Dargie, en rappel de Annabella Evelyn DARGIE son arrière-grand-mère écossaise
Percival, nom de famille de sa mère

Louise Madeleine Percival WOLF, née en 2012 :
Madeleine, en rappel de ses deux arrière-grand-mères lorraines qui l’avaient aussi en 2ème prénom
Percival, nom de famille de sa mère

Tout ça en partant de la broderie d’une petite fille de 11 ans en 1838 🙂

16 réponses à « Le mystère de la broderie ancienne de Mary Ward STARKEY »

  1. Toute cette histoire valait le coup d’être racontée, tout cela grâce à cette broderie du 19ème siècle. La conférence de Marie Cappart sur les recherches des ancêtres anglo-saxons pendant le salon de la semaine dernière m’a fait entrevoir les difficultés de recherche outre-Manche. Bravo en tout cas pour ces travaux !

    1. Merci 🙂

      Les recherches en Grande-Bretagne peuvent être complexes, mais en même temps leurs recensements sont entièrement indexés et permettent de repérer assez facilement les familles et leurs éventuels déplacements.
      C’est quand on recherche au-delà des recensements que ça se complique, et là je galère aussi sur certaines branches…

  2. Article absolument passionnant. Déjà, avoir gardé cette broderie dans la famille, et savoir qui l’a bordée, bravo. L’histoire de cette famille anglaise est aussi très intéressante et j’adore cette tradition familiale de conservation des noms

  3. Une histoire fort intéressante et très bien illustrée ! Quant au deuxième prénom, à l’origine nom de famille, je le retrouve à plusieurs reprises dans ma généalogie Mac Donell. Cette particularité fut d’une grande aide lors de recherches, me mettant sur la piste de potentiels descendants souvent en travaillant à l’origine uniquement avec cette spécificité devenant un indice. Merci d’avoir partagé cette histoire.

    1. Ah génial, je suis ravi de savoir que tu as aussi cette particularité deuxième prénom/patronyme dans ta généalogie. Ces Mac Donell sont dans quelle région ? Irlande ?

      Et c’est vrai que ce sont d’excellents indices pour orienter les recherches vers les ascendants !

  4. Une très belle histoire de ta branche anglaise qui méritait d’être racontée, et de cette belle broderie qui fût peut-être pour la personne qui a travaillé dessus sa tablette, d’avant l’ère d’internet, comme centre d’intérêt.
    Nous voilà aussi up to date sur la composition des patronymes 😊

  5. Nous nous sommes croisés le week-end dernier. Bravo Greg pour cet éclairage sur la généalogie anglaise à travers cet objet précieux transmis de génération en génération. Pour répondre à ta question, les Mac Donell étaient écossais, je me permets de le préciser car ce sont les ancêtres de mes enfants mais c’est ma belle-soeur Nathalie qui en parle le mieux : https://permareperterrasblog.wordpress.com/category/genealogie-mcdonell/
    Marie

  6. Très intéressant et en effet très pratique pour les recherches. Chez moi rien d’exotique mais le prénom du premier né celui du père et de la première née celui de la mère. Et les autres portent les noms liés à la famille. J’ai donné les noms de leurs arriere-grands-parents à mes enfants. Généalogie oblige. Il faut savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va.

  7. My great grandmother was Mary Ward Starkey.
    My grandfather was Henry Rowland Starkey Coldicott.
    I am South African, but living in France.
    I came across this article because I am researching my grandfather’s life in La Gare, France.
    What a wonderful history you have recorded here! This is so interesting, thank you!

    1. Thank you Linda for your comment !
      So happy to hear from another descendant of Mary Ward Starkey.
      I’ll send you an e-mail to continue this discussion 🙂

  8. Bonsoir,
    Pour reprendre le sujet de cette broderie qui vous a amené à un gros travail : il s’agit d’un abécédaire, ou « marquoir » (ou « marquette » – « market », je crois bien, en anglais), qui est une pièce de tissu (ici de l’étamine de coton, avec des croisements de fils bien visibles) sur laquelle la petite fille autour de ses 10 ans apprenait à broder au point de croix les lettres qui lui serviraient plus tard à « marquer » son linge. Il est très typique : majuscules, chiffres (pour numéroter les draps, les torchons…), minuscules et quelques petites frises très simples. Elle a écrit ses prénoms et noms, ajouté une phrase religieuse (une nouvelle piste de recherche !) parce qu’elle a été élevée dans ce contexte et daté son travail. Elle aurait pu remplir le « trou » à droite (le temps a dû lui manquer) : en ce cas, on aurait pu trouver un ou plusieurs motifs symboliques, un pot de fleurs, une croix, un chat… Il existait des modèles. L’Angleterre était sur ce point en avance sur la France. Mais la date de 1838 commence à être une très belle date, et la conservation de cette pièce, magnifique. Cette petite fille travaillait avec conscience (mais le « trou » lui a peut-être fait manquer les félicitations unanimes !). Merci à vous, j’ai eu beaucoup de plaisir à regarder cette pièce.

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