A bien y réfléchir, je n’avais jamais entendu la moindre histoire concernant la vie de mon grand-père WOLF Marcel pendant la 2ème guerre mondiale. Je ne l’avais presque pas connu car il est décédé dès 1977. Mais même en questionnant mon père, mes oncles et tantes, personne ne savait précisément ce qu’il avait fait… et visiblement il n’en avait pas parlé.
Contrairement à mon grand-père maternel SADLER Jacques, malgré-nous de 1943 à 1945, qui m’avait raconté son incorporation de force dans l’armée Allemande et m’avait légué le carnet qu’il avait rédigé pendant sa captivité dans un camp Russe.
Né en 1911 à Achen en Moselle pendant l’Annexion, toutes les options étaient envisageables… Dans quel corps avait-il été incorporé ? Est-ce qu’il avait aussi été un malgré-nous ? Avait-il été en captivité ?
Première piste : la photo en uniforme
Tout ce que j’avais de lui c’était cette photo, en uniforme français. Sans date.
J’ai donc commencé par solliciter de l’aide sur le groupe Facebook Généalogie : Recherches Militaires, où j’ai publié la photo en demandant des indices.
Rien que sur la base de la photo, je reçois plusieurs réponses rapides :
Le col indiquerait 30ème régiment d’infanterie. A Metz, ça semble cohérent. Et tout le monde me conseille de rechercher sa fiche matricule aux Archives Départementales de Moselle.
Sa fiche matricule militaire
Sur le site des archives de Moselle, seuls les registres matricules des classes 1893-1921 ont été numérisés et sont en ligne. Marcel est né en 1911, et est donc de classe 1931. J’envoie alors directement un message aux archives, en précisant ses date et lieu de naissance, ainsi que l’adresse où il habitait à ses 20 ans (je suppose Achen).
Et à ma grande surprise, je reçois moins d’une semaine plus tard une lettre avec photocopie A3 de sa fiche matricule !
Fiche matricule qui est extrêmement riche en renseignements, à la fois sur les états de service, mais aussi l’état-civil et le signalement.
Déjà l’état-civil confirme sa date de naissance et le nom de ses parents (peut être utile quand on démarre en généalogie) et me précise aussi qu’il était déjà menuisier à la date de la création de sa fiche matricule. Et son signalement qu’il avait les cheveux noirs, yeux bruns, front droit, nez rectiligne, visage ovale, et mesurait 1m66.
Mais, surtout ses services sont très détaillés :
- Incorporé le 16 avril 1934, affecté au 30e régiment de Dragons. Arrivé au corps le dit jour. Nommé 1ère classe à compter du 19 octobre 1934 par ordre de Ligt. n°49 du 18 octobre 1934.
- Renvoyé dans ses foyers le 13 avril 1935 en attendant son passage dans la disponibilité qui aura lieu le 15 avril 1935. Se retire à Achen. Certificat de bonne conduite accordé.
- Convoqué pour une période d’exercice de 21 jours du 11 septembre 1938 au 1er octobre 1938, accomplie au CMA 220, maintenu au corps en application de l’art. 49 Loi du 31/3/28 jusqu’au 11 octobre 1938 date à laquelle il a été renvoyé dans ses foyers.
- Rappelé à l’activité le 24 août 1939. Arrivé au corps le 25 août 1939 affecté au 150 Régiment d’Artillerie.
- Campagne contre l’Allemagne, du 2/9/1939 au 21/6/1940.
- Fait prisonnier le 22 juin 1940 à Lunéville (Moselle).
- Libéré le 5 juillet 1940 par les autorités allemandes comme Alsacien-Lorrain.
- Démobilisé le 8 janvier 1946 par le Centre de Démobilisation de Metz (Régularisation). Se retire à Achen.
- Dégagé de toutes obligations militaires le 31 janvier 1951 car père de 6 enfants.
Ensuite, en recherchant sur Wikipedia, puis sur des sites d’associations ou d’amateurs d’histoires militaires, on peut plus ou moins compléter les événements qu’il a vécus grâce aux dates et aux numéros de régiment…
Son service militaire
Mon grand-père a donc effectué 1 an de service militaire au 30ème régiment de Dragons de Metz, d’avril 1934 à avril 1935. C’est surement de cette période que date la photo de lui dans l’uniforme indiquant 30 sur le col.
Il a ensuite été rappelé pour une période d’exercices de 21 jours fin 1938, après l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie… Il accomplit ces exercices au CMA 220, le Centre Mobilisateur d’Artillerie de Sarre-Union, puis est renvoyé dans ses foyers.
En temps de guerre
Marcel a été mobilisé le 24 août 1939 et affecté au 150ème Régiment d’Artillerie.
Dès le 21 août, les unités de forteresse avaient été mises en alerte. C’était la « mesure 10 » : les casemates et ouvrages des fortifications du Nord-Est sont occupés et la moitié de l’armement est prêt à tirer (leurs servants sont en place).
Le 24 août, était ordonnée l’alerte renforcée : les réservistes frontaliers affectés aux unités de forteresse sont appelés, ce qui permet d’armer l’intégralité de l’armement.
Le 150ème Régiment d’Artillerie est affecté au Secteur fortifié de Rohrbach. Mon grand-père a donc visiblement été posté tout près de son village d’origine…
Le secteur fortifié de Rohrbach est une partie de la ligne Maginot, qui forme une ligne le long de la frontière franco-allemande, juste au nord de Rohrbach-lès-Bitche et de Bitche, de Singling à Sturzelbronn.
D’après le détail de sa fiche matricule, il entre en campagne contre l’Allemagne à partir du 2 septembre 1939.
Le 150ème Régiment d’Artillerie est constitué de deux groupes de position occupant les intervalles ainsi que d’un troisième groupe servant l’artillerie des ouvrages du secteur fortifié de Rohrbach
Le PC du régiment est établi dans la Ferme de Heiligenbronn puis ensuite à Lambach.
Initialement affecté au groupement d’action d’ensemble, le 1er groupe couvre le Sous secteur de Bining à partir du 1er novembre pour reprendre l’action d’ensemble suite à la réorganisation du secteur fortifié le 15 mars 1940. Son PC est à la ferme Klapach.
Le 2ème groupe assure dés la mobilisation l’appui du sous-secteur du Légeret, avec un PC à Enchenberg.
Enfin le 3ème groupe sert l’artillerie des ouvrages du secteur : Ouvrage du Simserhof , Ouvrage du Schiesseck , Ouvrage de l’Otterbiel , et Ouvrage du Grand-Hohékirkel.
Les 5 et 9 juin, les armées allemandes percent de nouveau le front sur la Somme et l’Aisne. Le 12 juin, les troupes françaises en Lorraine (troupes d’intervalle et divisions d’infanterie) reçoivent l’ordre de décrocher progressivement vers le sud pour éviter l’encerclement. La retraite doit se faire progressivement : les services et troupes d’intervalles d’abord, puis au second jour les équipages de casemates et l’artillerie d’intervalle (après avoir saboté leurs canons), enfin théoriquement au troisième jour (si les Allemands restent immobiles) les équipages des ouvrages après destruction de l’armement et de l’équipement.
Pour les troupes françaises battant en retraite à pied vers le sud, soit la majorité des unités de forteresse, elles finissent par être rattrapées par les troupes motorisées allemandes qui les encerclent entre la Meuse, Nancy, les Vosges et Belfort. Après quelques combats, les différents régiments se rendent entre le 21 et le 25 juin.
L’armistice est signée par le gouvernement français de Pétain le 22 juin 1940.
Marcel, lui, est fait prisonnier le 22 juin 1940 à Lunéville (Meurthe-et-Moselle). Il sera libéré le 5 juillet 1940 par les autorités allemandes comme Alsacien-Lorrain.
Il rejoindra son village d’Achen, désormais en zone annexée.
Il y épousera ma grand-mère AST Barbe Madeleine le 9 février 1942.
Heureusement pour lui, il ne sera pas incorporé de force dans l’Armée Allemande comme tant d’autres malgré-nous.
Ils eurent 9 enfants, de 1943 à 1961.
Les descendants de WOLF Marcel et AST Madeleine
Marcel Jean-Nicolas, né le 19 juillet 1911, Achen, décédé le 26 novembre 1977, Strasbourg, (à l’âge de 66 ans), maître menuisier ébeniste.
Marié le 9 février 1942, Achen, avec Barbe Madeleine AST, née le 28 avril 1920, Hottviller, décédée le 7 avril 1982, Sarreguemines, (à l’âge de 61 ans), dont
- Raymond Jean Marcel, né le 6 juin 1943, Achen, décédé le 23 juin 2004, Strasbourg, (à l’âge de 61 ans).
Marié vers 1968, Gros-Réderching, avec Bernadette RUFF, née le 18 juillet 1949, dont- Laurent, né le 19 juillet 1968.
Marié avec Anja FREY, née le 27 septembre 1967, décédée en 2018 (à l’âge de 51 ans), dont- Marcel, né le 22 janvier 1999.
- Marié le 30 août 2019 avec Corinna FORSTER, née le 24 juillet 1974.
- Cathy, née le 15 juillet 1969.
Mariée le 20 juillet 1991 avec Marc FERSING, né le 10 avril 1964, dont- Mélanie, née le 5 janvier 2001.
- Laurent, né le 19 juillet 1968.
- Antoine Gustave, né le 31 mai 1944, Achen.
Marié puis divorcé, avec Michèle SCHLOESSER. - Christiane Marie Madeleine, née le 9 septembre 1945, Achen.
Mariée le 30 juillet 1966, Achen, avec Lucien BOLIDUM, né le 29 septembre 1943, Achen, dont- Rémy, né le 5 décembre 1966, Sarre-Union.
- Dorothée, née le 30 décembre 1967, Sarre-Union.
Mariée le 2 septembre 1989, Achen, avec René HEGE, né le 31 octobre 1965, Sarralbe, dont- Vincent, né le 27 mars 1991, Sarreguemines.
- Nicolas, né le 7 mai 1993, Sarreguemines.
- Amandine, née le 17 mars 1995, Sarreguemines.
- Rébecca, née le 11 janvier 1975, Sarreguemines.
Mariée le 23 août 1997, Montbronn, puis divorcée, avec Laurent MARINOWITSCH, né le 17 septembre 1972, Ingwiller, dont- Vivien, né le 26 novembre 1999, Sarreguemines,.
- Quentin, né le 29 mars 2002, Sarreguemines.
- Armand Jean Pierre, né le 6 novembre 1946, Achen.
Marié avec Patricia EPPINGER, - Hubert Robert, né le 5 août 1948, Rohrbach-lès-Bitche.
Marié avec Emilie FEGEL, née le 19 avril 1951, dont- Yannick, né le 3 mars 1973.
Marié le 13 juillet 1996, Mouterhouse, avec Evelyne HAMMER, née le 17 septembre 1974, dont- Manon, née le 18 septembre 1998.
- Magali, née le 2 novembre 2001.
- Christel, née le 21 juillet 1974.
Mariée le 26 juillet 1997, Gros-Réderching, avec Yves GROSS, né le 22 juin 1968, dont- Noémie, née le 28 mai 2001.
- Anne, née le 5 mai 1979.
Mariée le 17 mai 2008, Bining, avec Fabien HERZOG, dont- Charline, née le 15 avril 2016, Haguenau.
- Yannick, né le 3 mars 1973.
- Gustave Georges, né le 19 novembre 1950, Achen.
Marié le 30 juin 1973, Achen avec Marie-Andrée Henriette SADLER, née le 8 août 1951, Achen, dont- Grégory Denis, né le 3 mai 1975, Sarreguemines
Marié le 1er août 2008, Noisy-le-Roi, avec Nicola Louise PERCIVAL, née le 21 mars 1976, Norwich, dont- Emma Dargie Percival, née le 4 juin 2009, Levallois-Perret.
- Louise Madeleine Percival, née le 30 juin 2012, Levallois-Perret.
- Marie Marcelle Christine, née le 17 avril 1979, Sarreguemines
Mariée le 11 mai 2007, Strasbourg avec Tovo DAVID, né le 23 mai 1975, Strasbourg, dont- Felix Johary, né le 2 juin 2014, San Francisco.
- Grégory Denis, né le 3 mai 1975, Sarreguemines
- Bernard Etienne, né le 24 avril 1952, Achen.
Marié le 9 août 1974, Achen, avec Marie-Christine KIRCH, née le 13 octobre 1954, Metz, dont- Elodie, née le 29 novembre 1977, Sarreguemines.
Mariée le 8 août 1998, Achen, avec Marc FRANTZ, dont- Ugolin, né le 27 septembre 2002, Wissembourg.
- Eulalie, née le 3 décembre 2004, Sarreguemines.
- Theoline, née le 26 janvier 2008, Sarreguemines.
- Bérénice, née le 8 mai 1980, Sarreguemines.
- Aurélien Denis, né le 17 novembre 1985, Sarreguemines, décédé le 21 janvier 2010, Keskastel, (à l’âge de 24 ans).
- Elodie, née le 29 novembre 1977, Sarreguemines.
- Pascal Eugène Germain, né le 19 août 1956, Achen.
Marié le 26 octobre 1974, Achen, avec Mireille POINT, née le 4 novembre 1957, Longeville-lès-Metz, dont- Mickaël, né le 6 mai 1988, Seoul.
- Dominique Victor, né le 23 octobre 1961, Achen.
Marié le 5 août 1987, Achen, puis divorcé, avec Sabine BECK, dont- Ophélie, née le 8 avril 1989, Sarreguemines,.
- Justine, née le 2 juillet 1991, Sarreguemines,
- avec Christine KEUER, née le 11 février 1968, Bitche, dont
- Marjorie, née le 3 août 2000, Haguenau.
Qui a été enrôlé de force dans l’armée allemande? S’agissait-il de certaines classes d’âge seulement?
J’ai trouvé un tableau des dates d’incorporation de force en fonction de l’année de naissance, ce que je comprends c’est que les Allemands ont en priorité incorporé les plus jeunes : en 1942, ceux qui avaient entre 18 et 20 ans.
https://fr.calameo.com/read/000897022d02ad25d16a5?page=1
Mon grand-père maternel SADLER Jacques est né en 1918, a été incorporé de force en 1943 à 25 ans, ça correspond à peu près.
WOLF Marcel né en 1911 aurait pu être appelé en 1944.
Mais je ne sais pas trop sur quels critères les mosellans et alsaciens ont été incorporés de force, ni comment ils pouvaient y échapper, je vais creuser 🙂
Bravo greg pour la documentation complète
Alors là, je trouve des coïncidences troublantes avec l’histoire de mon grand-père. J’avais étudié son parcours pendant la seconde guerre mondiale et il extrêmement similaire au tien : mobilisé, affecté au secteur fortifié (près de Boulay), fuite vers la Meurthe-et-Moselle, emprisonné puis relâché en tant qu’alsacien-mosellan. Tu rajoutes qu’il est né en 1911 à Schmittviller, qu’il s’est marié un 16 février 1942… troublant non ?
Et surtout, j’ai l’impression d’avoir une photo prise le même jour ! (Verger, dans la neige)…
Ah oui ça fait beaucoup de coïncidences ! Ça veut peut-être aussi dire que c’est l’histoire classique des mobilisés de cet âge dans le Bitscherland : ligne maginot, libération comme alsacien-mosellan, et mariage…
Je veux bien que tu m’envoies aussi la photo dans la neige et la fiche matricule. Il s’est marié à Schmittviller ou à Achen ?
Impressionnant les détails retrouvés ! C’est super complet et très intéressant
Magnifique travail , digne d’un reporter .
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